jeudi 24 juin 2010

Nos vies sur un long fleuve tranquille...


Depuis plus d'une semaine, nous vivions dans l'amazonie péruvienne, entre TARAPOTO et IQUITOS. Humidité, banane planteur et tranquilité isolée. Une fois à IQUITOS, après une première croisière, plus de routes, le voyageur est dépendant des désirs de capitaine et de l'organisation portuaire.

Tout commence par un réveil très matinal le dimanche 13 juin. A 6h au port d'IQUITOS, en une rapide et fraiche 1/2h de bateau, nous débarquons à MAZAN, petit village sans routes. Dans la logique des évènements, le Cabo Pantoja, cargo parti la veille d'IQUITOS(après 3 jours de retard) devait arriver vers la mi-journée. Les heures passent, le port s'anime, la chaleur humide s'installe mais toujours rien à l'horizon. La rumeur du non départ du cargo commence à s'installer, confirmée plus tard par un fameux Omar, le contact de la capitainerie de MAZAN...
Fatigués, dessechés et sans espoirs, nous nous installons dans le seul hotel non effrayant du village. Soirée, diner, des chants de femmes nous attirent vers une demeure en bois, la chapelle de "La Nueva Vida". Sermen de Salmon et nous repartont avec un bébé chaton, offert par les fidèles. Ce nouveau compagnon de route, après quelques pipis, crottes et beaucoup de puces nocturnes sera rendu le lendemain, la fausse bonne idée aura durée une nuit, le temps de le baptiser Mochica. Il est temps de passer au port prendre les nouvelles fraiches du jour, toujours pas parti, demain sans faute... 1 jour de plus a MAZAN, on dévore les gateaux au yaourt du marché, on sieste à l'ombre, l'Italie égalise face aux veloces paraguayens. Dernier passage a la capitainerie " il vient de partir, demain ici à la mi-journée"...!!!
Lendemain matin, vers 12h...non 9h le bateau accoste, chargé d'humains, bêtes et caisses de provisions. On glisse nos hamacs pour cette semaine d'amazone que je vais maintenant vous faire partager.

Le personnage principal est donc le fameux Cabo Pantoja, cargo à 2 étages, reliant IQUITOS/PANTOJA en une semaine de lente et on peut dire maladroite naviguation. Depuis son hamac, le capitaine délegue la barre, le déchargement et la fatigue à son équipage. Le voyage est (trop) souvent ponctué d'arrêts PLUS ou moins long pour décharger du ravitaillement aux nombreuses communautées qui habitent les rives du Rio Napo.
Nos 2 portes de prison de cuisinières nous préparent chaque jour des mets exquis donc voici la carte:
- Matin, entre 6h et 7h30: (en fonction de la qualité de la nuit) EAU+LAIT+RIZ de la veille ou SOUPE DE SARDINES ou SOUPE DE GRAS DE VIANDE
-Midi, vers 12h (le meilleur): RIZ+GRAS DE POULET+BANANE PLANTEUR
-Soir, entre 18h et 19h (encore une fois, en fonction de la fatigue de la journée): EAU+LAIT+RIZ du fond de la casserole du midi
Au fond du bateau, adossés au moteur, l'espace sanitaire. Les cabines de W:C font face aux cabines de douches, le tout relié par un ingénieux système de canalisation en communication directe, avant et après utilisation avec l'eau couleur smecta du Rio. L'usager à le choix entre une douche dans l'obscurité ou bien, grâce à une ampoule totalement aux normes, contempler la petite vie des fourmis, araignées, papillons et autres petites bébetes qui gambadent sur les parois baroques et rouillées de la cabine.
Propres et bien nourris, il est temps de se blottir dans son hamac pour une douce nuit, au rythme des arrêts dans les villages, les déménagements de ses voisins de chambre, les nettoyages de nez, gargarismes divers, cris d'enfants et les subites envies nocturnes de cumbia...
Des romances déchirantes se déroulent en direct, les ordures se déversent dans le fleuve, Emma capitalise nos derniers soles au Bingo. Un taxi/industriel/boulanger rêve d'apprendre la patisserie française tandis que Talia, jeune adolescente ne parvient toujours pas à retenir nos prénoms. Toute cette harmonie flottante est parfois interrompue par de stupéfiants couchers de soleil, livrant chaque soir une nouvelle palette et quelques instants de calme, signes d'une journée écoulée...

Le sang et l'argent continuent de couler dans "Les veines ouvertes de l'Amérique latine", les pensées et projets de rentrée défilent, on tue ce temps qui défile si péniblement. On pense à QUITO, à Cécilia qui s'apprète à nous rejoindre, à nos 8 mois sur ce continent, à nos 2 ans de couple et à toutes les festivitées qui nous attendent parmis vous tous dans quelques semaines.

Nous avons vécu et observé cela pendant une semaine, tandis que la population subit cette poubelle flottante toute l'année, sans se plaindre. La cargaison et l'équipage ont plus de valeur que les passagers, bétail entassé et suffoquant, payant bien cher cette croisière bien amère. A quand un nouveau cri du peuple, à en retourner les Bolivar, San Martin et autres libérateurs...


Amazoniquement votre,

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